Pour la fin du carême, nous vous communiquons un joli conte. Il peut nourrir notre réflexion.
Deux corbeaux volaient d’aventure, ils commençaient à sentir la fatigue et surtout l’impérieux besoin de faire leur nid… Comme ils passaient au dessus d’un charmant village comme il y en a tant dans ce pays-ci, ils avisèrent une magnifique église marquée par la beauté et la piété des siècles passés. Or, cette église était silencieuse et nous étions à l’heure où sonne l’Angélus du matin… Rien, pas un son, les cloches, grises de poussière, dormaient paisiblement, immobiles dans leur clocher où seul le vent chantait tristement… Nos deux corbeaux tournèrent longtemps, s’approchèrent enfin et lorgnèrent par les verrières vers l’intérieur. A leur grande surprise, l’admirable vaisseau était sombre et vide, pas de lampes, pas de cierges, pas de chaises, rien que de la mousse qui tapissait les pavés et montait lentement à l’assaut des murs, les marquant d’une étrange teinte verte qui aurait mieux convenu à une forêt qu’à un lieu saint … Aucun doute l’église était inoccupée, abandonnée, délaissée et par un hasard merveilleux pour le dessein forgé par nos deux amis, un morceau de vitrail était cassé… Ils entrèrent, volèrent de long en large, de haut en bas, rasant les voûtes et frôlant le dallage… Le lieu était parfait, il fallait maintenant trouver un support propice à la construction d’un nid solide, chaud et confortable pour y loger une famille annoncée. Nos deux corbeaux avisèrent un grand Christ en Croix dont la peinture s’écaillait lentement, ils s’y posèrent et comme ils avaient un certain savoir vivre, malgré leur état de simples bêtes des airs, ils saluèrent et demandèrent à l’homme de la Croix la permission de s’installer là… La réponse ne se fit pas attendre : « Oui, mes amis, Je vous en prie, soyez les bienvenus, mes épaules, qui ont tant souffert, supporteront bien cette charge nouvelle… » Mis en confiance, nos deux corbeaux partirent en quête de branchages et le va et vient commença… C’était un ballet ininterrompu, branches après branches, brindilles après brindilles, le nid se construisait… Le Christ souriait car le fardeau ne lui pesait pas plus que paille en fétu. Lorsque tout fut achevé, les corbeaux, d’un commun accord, prélevèrent deux brindilles et les posèrent au dessus de l’auguste tête où elles formèrent une frêle auréole, délicat hommage à leur hôte, le maître de ces lieux, honoré des oiseaux et délaissé des hommes …
Les oiseaux s’adressèrent encore une fois à leur hôte lors de la naissance et de la présentation de leurs petits « Nous venons de donner la vie, voici nos enfants, où sont les vôtres ? » Le Christ répondit : « Je les attends, oui, je les attends… »
Texte et dessin : Alain Sartelet.